Être prêt ou ne pas l’être : le temps intérieur du changement

Introduction

Il y a des épisodes de vie pendant lesquels on sent que quelque chose pousse. Là, sous la surface.

Une urgence discrète, presque muette. Quelque chose nous appelle au changement. Mais l’acte lui ne suit pas, et nous restons immobile. Alors on murmure à voix basse, « je ne suis pas prêt.e. »

Il y a, dans cette phrase, toute l’ambivalence du sujet : le désir d’y aller et la peur de s’y perdre. “Je ne suis pas prêt.e” est rarement un refus. C’est souvent une manière pudique de dire “quelque chose en moi résiste encore.”

Car le changement ne se décide pas. Il se prépare, silencieusement, dans les marges du conscient. L’inconscient avance à son rythme, par détours, par répétitions, par ces mouvements invisibles que l’on appelle résistance.

C’est pourquoi on ne devient pas “prêt” par volonté. On le devient par déplacement. Quand le mot qui retenait, soudain, se déplace d’un millimètre,
et que le sens commence doucement à circuler. Être prêt, serait-ce finalement accepter de se laisser traverser par ce qu’on ne maîtrise pas encore ?

1. Le fantasme du bon moment

Nous vivons dans une époque qui glorifie la maîtrise. On nous apprend à “agir au bon moment”, à “savoir quand il faut y aller”.

Mais la vie psychique, elle, ignore les calendriers. Elle obéit à un autre rythme : celui du désir. Et le désir, lui, ne se programme pas.

En psychanalyse, le “moment juste” n’est jamais celui qu’on croit. Il se produit souvent malgré soi, dans un lapsus, une rencontre, une phrase qui échappe.
Le sujet croit décider, mais c’est autre chose qui décide en lui.

On ne devient pas prêt. On s’aperçoit qu’on l’était déjà, depuis longtemps, dans un ailleurs. Cet “ailleurs”, c’est le territoire de l’inconscient : un espace où le temps n’est pas linéaire, où le passé et le présent se répondent et où la répétition prépare le surgissement du nouveau.

Le sujet n’est jamais prêt : il est pris.

2. L’inconscient, ce saboteur du calendrier

Dire “je ne suis pas prêt.e” n’est pas toujours une excuse. Car l’inconscient, lui, sait ce que la conscience refuse encore d’entendre.

Le corps, les mots, les silences : tout signale qu’un déplacement est en cours, mais ce travail souterrain prend le temps qu’il faut.

L’inconscient ne connaît pas la précipitation. Il se rejoue, se recompose, jusqu’à ce que quelque chose s’aligne ou cède. Et c’est d’ailleurs paradoxallement au moment où l’on cesse de forcer les choses, que le mouvement devient possible.

En psychanalyse, ce concept s’appelle l’après-coup (die Nachträglichkeit). Un concept qui indique que ce n’est pas l’action immédiate qui compte, mais le sens qui vient après, lordsque le sujet peut enfin se l’approprier.

3. La résistance : un travail, pas un obstacle

Dans le langage courant, la résistance est vue comme un frein. En psychanalyse, elle est tout le contraire : elle n’empêche pas le changement, elle l’annonce.

Résister, c’est déjà être pris dans le processus. C’est que quelque chose, en soi, commence à bouger.

Lorsqu’un patient dit : “Je ne suis pas prêt à en parler.”, il dit aussi, sans le savoir : “Je sais qu’il y a là quelque chose à dire.”

Le silence n’est donc pas vide, il contient une pensée en devenir.

Car la résistance n’est pas un mur : elle est un seuil. Elle protège, le temps que la parole puisse naître sans se déchirer.

4. Le mythe du “moment parfait”

Combien de fois entend-on :

“J’attends le bon moment.”
“Quand je serai prêt, j’y arriverai.”

Mais le “moment parfait” existe-t’il seulement ? Où n’est-il qu’une illusion de contrôle, une manière de retarder la rencontre avec l’inconfort ?

L’inconscient, lui, ne connaît pas de rendez-vous manqués. Il se manifeste toujours autrement, dans les rêves, dans un lapsus, dans un mot qui s’impose, comme nous les connaissons si bien.

Le “bon moment” n’est pas celui qu’on attend, c’est celui qui nous surprend. Celui où la parole se risque, même maladroite, et où quelque chose commence enfin à se dire.

5. Être prêt : une question de place, pas de temps

Être prêt, ce n’est pas cocher une étape. C’est consentir à se tenir à une place : celle de celui qui ne sait pas encore, mais qui s’autorise à chercher.

En thérapie comme dans la vie, le sujet devient prêt lorsqu’il accepte de ne plus tout contrôler. Lorsqu’il passe du “je veux comprendre”, au “je me laisse traverser”.

Le changement intérieur commence souvent par une défaite du savoir, et évolue vers un lâcher-prise du sens. C’est alors seulement, que le travail du langage peut advenir.

Conclusion : ne pas être prêt, c’est déjà commencer

Dire “je ne suis pas prêt.e”, c’est donc peut-être déjà se tenir au seuil du changement. C’est reconnaître qu’un mouvement est en cours, même si la forme n’est pas encore trouvée.

Le psychisme travaille avant le geste, et le langage prépare avant de dire.

Alors non, on n’est jamais vraiment prêt. Mais on peut être disponible : à ce qui s’ouvre, à ce qui résiste, à ce qui cherche encore sa phrase. Et c’est souvent dans cet entre-deux, entre refus et élan, que le travail du sujet commence.


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